Pourquoi mon corps craque ?

Parfois j’entends mon corps craquer, genoux, cheville, dos…

Parfois ça craque volontairement, parfois non, parfois même en séance d'ostéopathie ! Est ce grave docteur ?

Bien que quotidiens, nos craquements peuvent être sources de questionnements et d'inquiétudes.
L'explication et l'origine de tout ces craquements constituent un vaste sujet qui génère beaucoup d'idées reçues.

Voyons cela ensemble à travers des questions réponses.

Les cadres turquoise "pour aller plus loin" que vous retrouverez tout au long de cet article ne sont pas nécessaires à la compréhension globale de celui-ci mais permettent aux plus curieux d'approfondir leurs connaissances.

Dans votre quotidien et lors d'une séance d'ostéopathie non ! Et heureusement ...car un os qui craque c'est une fracture ! (Et une fracture c'est une douleur profonde, constante, parfois accompagnée d'un plâtre avec au moins 6 semaines avant guérison!).

En fait, il est possible d'entendre différents bruits de craquement, je vous propose d'aborder le sujet de façon didactique en séparant les craquements en 4 grands types  :

Des bruits de craquement de type ressaut, les muscles et ligaments ?

Des bruits de craquement de type pincement, les ménisques ?

Des bruits de craquement de type grincement, les articulations ?

Des bruits de craquement de type gazeux, la synovie ?

Voici des exemples que nous entendons fréquemment en consultation : "Quand je tourne mon poignet ou ma cheville j’entends des craquements, à chaque tour ça craque ou quand je marche ça craque à chaque pas... " .

Ces craquements sont probablement péri-articulaires, ils correspondent aux différents tendons qui s'accrochent et frottent bruyamment sur les massifs anatomiques,  à la façon d'une corde de guitare que l'on ferait glisser sur nos doigts.

Cela est très fréquent au niveau des poignets, des hanches et des chevilles (et cela empêche parfois des déplacements silencieux !) .

( au niveau des hanches, ce sont souvent les muscles moyen fessier et PSOAS ( voir article ), au niveau du poignet ce sont les muscles de l'avant bras qui "accrochent" et au niveau des chevilles les muscles provenant de la jambe ).

Ces craquements indolores, occasionnels sont dans leur immense majorité sans conséquences.

Dans de rares cas, les frottements excessifs peuvent entrainer une irritation des zones en friction, pouvant devenir un facteur favorisant des tendinites.

Le plus de l'ostéo :

Vous aider à comprendre l'origine de ces dysfonctionnements et les facteurs d'entretien. Dans certains cas il sera nécessaire d'étirer, de remobiliser, dans d'autres cas de renforcer et de stabiliser le mouvement en faisant travailler d'avantage le muscle (posture, répétions de mouvement, changement d'habitude).

Exemple entendu en consultation : "Quand j'ouvre ou ferme la mâchoire ça craque.... Quand je me mets accroupi et que je me relève j’entends mon genou craquer ... quand je mange un sandwich, ça craque à chaque ouverture... est ce que c'est grave ? "

Ces craquements sont intra-articulaire, il correspondent la plupart du temps à un défaut de glissement du ménisque dans l'articulation, celui ci se retrouve alors pincé entre les os d'une articulation, puis, il s'échappe rapidement en entrainant un bruit audible ... Un peu à la manière du "clic" que l'on peut entendre lorsque l'on joue au "jeux de puce"

Le ménisque se retrouve alors au mauvais endroit au mauvais moment dans l'articulation, pincé, il s'échappe en provoquant un bruit de craquement. 

Ces craquements sont très fréquemment observables au niveau de la mâchoire ou du genou, la plupart du temps bénins ils peuvent dans certains cas entrainer douleurs, limitations du mouvement et nécessitent alors l'avis d'un spécialiste.

Pour aller plus loin 

Le craquement de la mâchoire peut s'expliquer par une distension du système stabilisateur de rappel du ménisque (un ensemble de ligament postérieur, qui s'étire comme un ressort lorsque la mâchoire s'ouvre) , sur une longue période (opération avec intubation, travaux dentaire nécessitant du temps).
Le ménisque ne ré-intègre pas totalement sa place à la fermeture de la mâchoire, et constitue un obstacle à la prochaine ouverture.
Le condyle (partie supérieure de la mandibule) "saute" au dessus du ménisque à l'ouverture, provoquant ce bruit!

Le plus ostéo

Souvent, il est possible de diminuer le bruit et de retrouver du confort en cherchant à diminuer les contraintes sur l'articulation ( tension musculaire, déséquilibre local et global). Il est également possible de diminuer les contraintes à venir en comprenant les facteurs d'entretien (habitudes posturales, réflexes inconscients, bruxisme).
Dans des cas plus avancés ( douleurs, limitations franches et résistantes du mouvement par exemple), le relais doit être passé au corps médical. Examens et consultations de spécialistes seront nécessaires.

Pour aller plus loin

Une étude de 2014 portant sur les genoux de 888 sujets (1) a mis en évidence le lien entre les bruits de grincement (qui sont reproduit lors de test de mobilisation sur la rotule ) et l'usure osseuse objectivé à L'IRM. L'identification précoce de ces bruits peut donc amener à prendre soin de ses articulations et être dans la prévention.

Le plus de l'ostéo

Vous aider à prendre soin de vos articulations à travers la libération de tensions locales ou globales, vous conseiller dans certains étirements, ou vous guider dans le choix de vos activités physiques. Dans la reprise du mouvement et son appropriation, la kinésithérapie constitue aussi un allié de choix !

Exemple entendu : " Quand je m'étire les doigts ça craque... Quand je cambre sur ma chaise ou que je me tourne, j'entends un gros craquement ... Quand je bouge mon dos craque...  " 

Ces craquements sont très probablement intra-synoviaux : 

Lors d'un mouvement ample, on étire l'articulation et ses berges osseuses, ce qui entraine une diminution de pression.

Ce changement de pression est à l'origine de la formation puis de la dissolution d'une bulle de gaz, c'est lors de ces phénomènes que se produit un bruit de craquement. 

Le craquement des doigts et du dos , semble trouver son explication à travers deux phénomènes physiques  : La cavitation et/ou la tribonucléation ( encore un mot pour votre prochain scrabble!) :

Pour aller plus loin

Une peu d'histoire et d'études.
L'origine exact du bruit ne fait pas consensus... Selon les chercheurs ils s'explique par la tribonucléation et/ou par la cavitation. 

Voyons ensembles toutes ces hypothèses dans leurs chronologies :

Dans les années 1900 : Still le fondateur de l'ostéopathie propose déjà sa propre explication : " En tirant sur votre doigt, vous entendrez un bruit soudain. La séparation brutale et forcée des extrémités des os formant l'articulation provoque un vide, et l'air pénétrant dans l'articulation et remplissant ce vide produit ce bruit sec. Voilà tout simplement l'explication de ce « craquement » auquel le patient accorde une telle importance qu'il est pour lui la preuve que la correction est réussie. L'ostéopathe ne devrait pas encourager cette idée chez son patient comme étant la démonstration que quelque chose est accomplie. » (2)

En 1947, Roston et Haines (3) ont réalisé des radiographies lors d’un craquement provoqué par la traction axiale des doigts.
Ils sont arrivés à différencier plusieurs étapes dans le phénomène :
- La phase initiale : Les surfaces articulaires sont en contact rapproché ;
- La phase d'écartement: on applique une légère force pour les s’éloigner l’une de l’autre progressivement ;
- La phase de craquement: la force appliqué augmente, les surfaces résistent jusqu’à un point critique où elles se séparent brutalement, produisant ce bruit caractéristique. Sur les radiographies , on observe alors la formation d’une cavité gazeuse.
- La phase réfractaire : Suite du craquement, il n'est plus possible de refaire craquer avant un certains temps (10 à 20 minutes).

En 1971, les travaux d’Unsworth et coll (4) , reproduisent les mêmes séquences radiographiques.
Ils s'appuient sur des travaux de physiciens concernant la cavitation et affirment qu'un gaz dissous est présent dans le liquide synovial(15% de gaz dissous dont 80% de CO2), et que son passage à l'état gazeux suivit de sa dissolution provoque le bruit caractéristique.

En 2015 Kawchuk et coll. ( 5)  ont réalisés des IRM dynamique lors de craquement des doigts.
Les résultats mettent en évidence la persistance d’une cavité gazeuse intra-articulaire juste après le craquement.
Aucun « éclatement » de cette cavité en microbulles n’est observé, et elle disparaît brutalement à l’arrêt de la traction ...
Ceci invalide la théorie de la cavitation au profit de la tribonucléation. ( création du bruit à la formation de la bulle de gaz.)

En 2018, un modèle mathématique (6) est proposé permettant de maintenir l'hypothèse de la cavitation malgré la persistance de la bulle de gaz après craquement ( un effondrement partiel de la bulle de gaz est possible, pourrait générer le bruit tout en laissant persister une bulle de gaz )

Bref vous l’aurez compris ... pas évident de mettre tout le monde d'accord !  ... 
On peut retenir simplement que ce craquement se crée dans l'articulation que l'on étire, par la formation et la dissolution d'un gaz présent dans le liquide articulaire. 
Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme (en craquant !) .

Pour résumer :

Il existe des craquements gazeux ( dans le liquide articulaire), qui se forment lors d'un phénomène de dépression.

Il existe des craquements méniscaux ( élément articulaire ), qui se forment lors d'un phénomène de pincement/glissement.

Il existe des craquements articulaires, qui se forment lors d'un phénomène de grincement/frottement articulaire.

Il existe des craquements musculo-tendineux, qui se forment lors d'un phénomène d'accrochement/relâchement péri-articulaire.

Ces phénomènes sont dans leur immense majorité sans risque majeur, mais il est important de les comprendre pour pouvoir les accompagner en toute sérénité !

En cas de doute n'hésitez pas à en parler avec votre thérapeute.

Attention ! Si des craquements apparaissent après un traumatisme, +/- associés de gonflement, douleur, rougeur, il est impératif de consulter votre médecin : ils peuvent être le signe clinique d'une lésion au niveau des os, muscles ou ligaments ...

Maintenant que vous êtes incollable sur les craquements , je vous propose pour conclure un arbre décisionnel pour vous aider à identifier vos propres craquements  :

Article rédigé par Romain SEVIGNAC

Cabinet d'Ostéopathie des Arènes

Site internet : mon-osteopathe-toulouse.fr

Études  :

(1) (Schiphof D, van Middelkoop M, de Klerk BM, . Crepitus is a first indication of patellofemoral osteoarthritis. Osteoarthr Cartilage 2014;22:631–8.

(2) Andrew Taylor Still, "Ostéopathie, recherche et pratique", édition SULLY, p.42.

(3) Roston JB, Haines RW. Cracking in the metacarpo-phalangeal joint. J Anat 1947;81:165–73.

(4)Unsworth A, Dowson D, Wright V. ’Cracking joints’. A bioengineering study of cavitation in the metacarpophalangeal joint. Ann Rheum Dis 1971;30:348–58.

(5) Kawchuk GN, Fryer J, Jaremko JL, . Real-time visualization of joint cavitation. PloS One 2015;10:e0119470; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25875374/

(6) A Mathematical Model for the Sounds Produced by Knuckle CrackinG V Chandran Suja 1 , A I Barakat 2

Autres références et liens :

Un excellent article traitant le sujet  :

 – Saubade M, Karatzios C, Léonard E, Besson C, Gremion G, Gremeaux V. « Mes articulations craquent, c’est grave docteur ? » Les bruits articulaires en question [« My joints are cracking, is it serious doctor ? » A review about sounds produced by joints]. Rev Med Suisse. 2017;13(569):1334-1338. https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2017/revue-medicale-suisse-569/mes-articulations-craquent-c-est-grave-docteur-les-bruits-articulaires-en-question#tab=tab-references

Sites internet :

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29599511/

https://www.sofmmoo.org/documents/cavitation-pomero-bonneau.pdf

 https://www.sofmmoo.org/documents/mode_action_mv_jym-pv.pdf (Extraits de la Revue du Rhumatisme 70 ( 2003))

 https://www.science-et-vie.com/archives/d-ou-vient-le-bruit-des-doigts-quand-on-les-fait-craquer-24756

https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2015/04/16/lirm-montre-ce-qui-se-passe-vraiment-quand-on-fait-craquer-ses-doigts/